Noukous
De retour à Tachkent – où nous imaginons naïvement qu’il n’existe qu’un aéroport et manquons de rater notre avion –, nous décollons pour Noukous. Chef-lieu de la région du Karakalpakstan, la ville est isolée aux confins du désert Kyzylkoum – le « sable rouge ». Sur près de mille kilomètres, nous survolons ce désert sablonneux et stérile que seules quelques mines d’or et d’uranium constellent. La végétation ne réapparaît qu’à l’approche de notre destination, logée sur le flanc oriental du delta de l’Amou-Daria. Je crains d’être torréfiée dès la descente sur le tarmac mais l’air se révèle curieusement plus frais qu’au pied des monts Célestes.
Petite ville soviétique typique, Noukous est construite selon des axes perpendiculaires réguliers et proprets. Hormis la place monumentale où trône l’imposant musée d’art, les rues se suivent et se ressemblent, et ses larges avenues vides et bordées d’immeubles bas et monotones offrent peu de charme. Nous y dénichons tout de même quelques restaurants honnêtes où déguster un bon plov. Après la touffeur accablante de Tachkent, nous savourons les températures plus clémentes et prolongeons les soirées. Même si quelques autres touristes nous tiennent compagnie, les voyageurs d’affaires forment la clientèle principale de notre hôtel ; nous nous demandons bien ce qui les mène dans cette ville si excentrée.
Sur le complexe sacré Mizdahkan, situé à seulement huit kilomètres de la frontière turkmène, subsistent sur deux collines contiguës une nécropole et un ensemble de forteresses dont les premières édifications datent du IVè siècle av. J.-C. La citadelle fut nommée « Forteresse des Infidèles » – Gyaur-Qala – par les Arabes qui luttèrent férocement avec ses occupants zoroastriens lors de leur invasion au VIIIè siècle. Bien que ce lieu ait été ravagé par Gengis Khan dans les années 1220 puis par Tamerlan un siècle plus tard, les soubassements des murs des forteresses érigées au XIIè et XIIIè siècles demeurent très reconnaissables. Nous rencontrons un groupe de jeunes archéologues accompagnant leur professeur et occupés à excaver des poteries anciennes. Certaines, admirablement conservées, méritent un travail très minutieux. Ils n’étudient ce site que depuis quelques semaines et déménagent leur chantier prochainement. Comme toujours, ces jeunes gens sont très contents d’avoir de la visite et de répondre à nos questions.
La nécropole abrite quelques mausolées historiques, dont le magnifique tombeau de Mazlum Sulu Khan partiellement enterré et élevé juste avant l’invasion mongole. Entièrement restauré entre les années 1960 et 1980, l’intérieur est désormais un mélange de mosaïques originales et récentes, toutes rutilantes. A proximité, des maçons reconstruisent intégralement les murs d’un autre caveau. Comme en Chine, la préservation des sites historiques ne prend pas le même sens que chez nous.
Moynak et la mer d’Aral
Les Karakalpaks, traditionnellement bergers et pêcheurs nomades, vivaient jusqu’à leur intégration dans l’URSS grâce à la pêche dans la mer d’Aral et l’irrigation extensive du delta de l’Amou-Daria. Cette région, très prospère durant l’Antiquité (Khorezm), a été dévastée par le changement climatique lié à la disparition de la mer.
A deux cents kilomètres de Noukous, Moynak, ancien port ouzbek sur l’Aral, se rejoint en empruntant une large chaussée peu fréquentée qui se scinde en deux pour joindre Moynak au nord et traverser le plateau d’Oust-Ourt au nord-ouest. Ce vaste plateau calcaire constitué de l’accumulation de couches sédimentaires déposées lorsque l’océan Téthys séparait les supercontinents Gondwana et Laurasie (et dont seule la Méditerranée subsiste), couvre la région entre la mer Caspienne et la mer d’Aral. Il est aujourd’hui exploité pour ses gisements miniers, gaziers et pétroliers.
Des années 1950 à l’indépendance, cette région est le théâtre d’expérimentations bactériologiques et chimiques ainsi que d’essais nucléaires souterrains. Kantubeck, ville principale de l’île Vozrojdénia (île de la Renaissance) sur la mer d’Aral, fut ainsi créée en 1936 afin d’abriter un laboratoire d’études bactériologiques. Après des débuts chaotiques sous les Grandes Purges staliniennes, les recherches sont relancées à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, possiblement grâce à l’obtention des plans des installations japonaises de recherche bactériologique de l’Unité 731. Aujourd’hui reconnue responsable de crimes de guerre et crimes contre l’humanité pour ses expériences atroces sur des milliers d’hommes, femmes et enfants entre 1932 et 1945, cette unité de l’armée impériale japonaise basée en Chine colonisée détruit ses bâtiments et exécute ses cobayes à l’approche de l’armée soviétique en 1945. Les cadres de l’unité négocient leur impunité avec le général Douglas MacArthur en transmettant secrètement tous les résultats de recherche aux autorités américaines qui occultent les agissements de cette unité au reste du monde. Aucun procès international n’a lieu mais quelques membres de l’unité furent condamnés par les Soviétiques lors du procès de Khabarovsk en 1949. L’Occident nia et rejeta ce procès – aujourd’hui considéré comme relativement objectif et bien renseigné – comme complot et propagande soviétiques jusqu’aux années 1980.
A Kantubeck donc, des recherches bactériologiques sont effectuées sur l’anthrax, la peste, le typhus, la toxine botulique ou la brucellose, et continuent à la sourdine après 1972 en violation de la convention sur l’interdiction des armes biologiques. Ces bactéries testées sur des animaux – rongeurs, chevaux, ânes et singes –, sont destinées à la fois à la création d’armes et à la mise au point de vaccins. A l’indépendance en 1992, l’île est évacuée par tout le personnel qui y abandonne des containers renfermant des spores de ces diverses maladies. Au début des années 2000, le retrait progressif de la mer d’Aral fait redouter une éventuelle diffusion des maladies par les rats jusqu’alors confinés sur l’île. Face à l’imminence de ce risque, les États-Unis financent en 2002 une importante campagne de décontamination de ce qui était probablement la plus grande réserve de bacille du charbon au monde. Il demeure cependant malaisé de savoir si la décontamination a été complète.
Comme à Aralsk au Kazakhstan, la mer a déserté son ancien rivage, se retirant à une centaine de kilomètres au nord. Afin de convertir le désastre écologique en attraction touristique, plusieurs bateaux en décrépitude ont été déplacés du lieu où ils gisaient pour être regroupés en cimetière au pied de la falaise contre laquelle les flots se fracassaient il y a quelques décennies. Du haut de cet escarpement, il m’est difficile d’imaginer le spectacle de la mer recouvrant cette étendue infinie de sable clair désormais colonisée par les buissons. Je me figure que la mer apportait une certaine fraicheur sous ce soleil franc qui blanchit le paysage alentour.
Vers la ville, même le port n’est plus réellement visible, et seules les ruines de la conserverie de poisson témoignent du passé maritime du village.
Cependant, bien que très diminué, l’Amou-Daria – l’Oxus antique des Grecs – alimente dorénavant quelques lacs artificiels dans lesquels nous observons des vaches vaquer, à moitié submergées. Elles sont très friandes des grandes plantes semi-aquatiques qui y poussent, et que les paysans récoltent également comme fourrage depuis leur barque. Grâce à ces points d’eau, les oiseaux migrateurs sont de retour dans la région, et les quelques martins-pêcheurs bariolés qui virevoltent parmi les roseaux suggèrent en outre que ces lacs sont poissonneux. Des saxaouls – arbres endémiques résistant aux conditions climatiques extrêmes de la région – sont par ailleurs abondamment replantés afin de fixer le sel du sol et de réduire les tempêtes de poussière qui tourmentent la région.
Même si les maisons paraissent bien entretenues le long de l’artère principale, le village est sinistré : sur les trente mille habitants vivant à Moynak durant l’activité du port et de la conserverie de poissons, seuls neuf mille demeurent. Alors que nous déambulons parmi les épaves à proximité de l’ancien port, nous discutons brièvement avec des adolescents venus à vélo de la ville voisine. Ils aiment venir se promener ici et grimper sur les bateaux rouillés. J’admets que le terrain de jeu est fascinant mais je me méfie de ces carcasses corrodées. Un groupe d’hommes ayant la quarantaine arrive ensuite, et l’un d’eux décide de risquer la discussion en anglais. Les échanges sont assez laborieux mais il semble enchanté de converser avec nous, pour le plus grand plaisir de ses collègues. Banquiers à Noukous pour différentes banques autochtones, ils sont en déplacement à Moynak afin de financer un projet global de développement de la ville.
« Révolution » politique en Ouzbékistan
Au cours de discussions ultérieures avec de nombreux Ouzbeks toujours enchantés de deviser, je parviens à mieux comprendre la progressive mais profonde transformation qui semble s’opérer dans le pays. En septembre 2016 Islom Karimov, dictateur du pays depuis l’indépendance en 1991, décède. Une période d’incertitude débute pendant laquelle le premier ministre est désigné président intérimaire. Une partie de la population est alors assez inquiète, consciente que le pays peut se retrouver très déstabilisé par la disparition de cette main de fer. Les dispositions prises par le président intérimaire lors des trois premiers mois s’avèrent populaires et il est élu président avec 88,6% des suffrages face à trois opposants peu connus. En tant que premier ministre au cours des treize années précédentes, Shavkat Mirziyoyev a parcouru tout le pays à maintes occasions, observant tous ses dysfonctionnements et l’étendue de la corruption. L’autoritarisme de Karimov – qui ne veut entendre que la glorification de son mandat – l’empêche cependant d’évoquer le bilan désastreux et d’agir. Dès son accession au pouvoir à l’automne 2016, Mirziyoyev prend de nombreuses décisions radicales : il démet de leurs fonctions de nombreux maires, ministres ou responsables militaires véreux, encourage la création d’entreprises par des aides financières adaptées, crée des crédits d’impôts pour les investissements dans les zones sinistrées comme Moynak et lutte contre la corruption en instaurant un site internet où tout citoyen peut dénoncer un acte délictueux qui est traité dans la semaine. Jusque-là, les médecins des hôpitaux publics exigeaient des pots-de-vin pour soigner les patients : de grandes banderoles rappelant que les soins sont entièrement gratuits ont été disposées à l’entrée de chaque hôpital. Cette action cumulée à la dénonciation d’actes malhonnêtes a apparemment fait disparaitre en quelques mois le racket opéré par la police, les militaires et les médecins.
Mirziyoyev rétablit par ailleurs le système éducatif généraliste suivi de spécialisation à l’université qui avait été remplacé par des spécialisations précoces médiocres favorisant le clientélisme.
Ayant par ailleurs de bonnes relations avec le président (despote) turkmène, il est parvenu à négocier la diminution de la déviation de l’Amou-Daria destinée à la création d’un gigantesque lac artificiel au Turkménistan. La décision emblématique de la fin de la monoculture du coton devrait également avoir un impact fort sur les conditions de vie des Ouzbeks. Mirziyoyev souhaite que le pays cesse de produire en quantités démesurées – forçant les femmes, les enfants et les étudiants à passer leur mois de septembre à le récolter pour l’État pour un prix dérisoire – et mette en place une industrie textile autosuffisante capable de générer de la valeur ajoutée. Aujourd’hui, toute la production est exportée en Chine ou en Turquie, où elle est transformée en produits de qualité médiocre, puis réimportée. Dès l’été 2017 nous pouvons observer aux alentours de Khiva les anciens champs de coton transformés en vergers, déclenchant les exclamations de notre guide qui observe ce spectacle pour la première fois. La diminution de cette agriculture très gourmande en eau s’avère évidemment primordiale pour régénérer les régions dévastées par l’assèchement partiel de l’Amou-Daria.
Le pays s’ouvre par ailleurs aux entreprises et ONG étrangères, affichant une volonté de fonctionnement plus démocratique. L’ouverture d’une nouvelle usine de véhicules utilitaires doit faire baisser la pression de la demande des Ouzbeks pour l’achat de véhicules. Jusque-là, les Ouzbeks devaient payer leur automobile en dollars et en liquide, puis attendre six mois avant de recevoir leur bien. De plus, toute hausse de prix intervenue dans ce délai devait être payée en sus pour recevoir la voiture ! Les taxes prohibitives sur les véhicules importés empêchaient toute concurrence extérieure. La loi restreint désormais l’attente à trois mois et le prix est définitif ; toute infraction du vendeur à ces règles est désormais passible de prison. Début septembre 2017, le nouveau président lance son action la plus risquée : le dollar ne peut plus être exigé pour les achats importants et l’État ne fixe plus le taux de change officiel. Le taux de marché a donc rejoint l’ancien taux de marché noir, dévaluant instantanément de moitié. Cependant seule une stabilisation de l’économie peut empêcher le retour d’une inflation galopante qui rendrait cette mesure caduque.
Le président a également entamé un rapprochement symbolique avec ses voisins Kirghizes et Tadjiks afin de surmonter les relations très conflictuelles depuis l’indépendance. Cette évolution laisse espérer un retour à des relations de bonne intelligence entre les anciennes républiques socialistes soviétiques sœurs aux ressources complémentaires.
Lors de notre passage dans le pays en juillet 2017, nous ressentons vivement l’optimisme collectif : les actions du nouveau président redonnent espoir à la population – en particulier la jeunesse – qui se met à rêver création d’entreprise, ouverture sur le monde et liberté. Nous espérons évidemment ardemment que les progrès continuent sur leur lancée au cours des prochaines années.
Le Musée d’art Igor Savitsky
Noukous ne présenterait guère d’intérêt sans son musée d’art, œuvre de l’archéologue, artiste et collectionneur Igor Savitsky qui y vécut de 1950 jusqu’à sa mort en 1984. Durant toutes ces années, il accumula les artefacts des trouvailles archéologiques locales et l’artisanat traditionnel de la région. En outre, grâce à ses contacts à Moscou il parvint à mettre en sûreté et récupérer pour sa collection de nombreuses œuvres qui ne correspondaient pas à l’esthétique réaliste soviétique imposée par Staline. Ce musée possède ainsi, dissimulée au mitan du désert du Kyzylkoum, la deuxième plus importante collection d’œuvres d’avant-garde russe au monde – après l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. Igor Savitsky acquit également de nombreuses œuvres de ses contemporains, mettant en exergue des artistes ouzbeks remarquables qui n’auraient eu aucune reconnaissance officielle sans lui.
Pour couronner notre visite, nous avons l’honneur d’être interviewés sur nos impressions par la télévision locale ! Malheureusement je ne crois pas que ce court métrage – indubitablement exceptionnel – soit disponible en ligne. Et avant de quitter ce musée insolite, j’ai le plaisir chauvin d’apprendre que la première exposition de ces œuvres à l’étranger avait eu lieu à l’Abbaye aux Dames à Caen ! Le monde est si petit…
Les forteresses du Khorezm
Nous traversons le delta de l’Amou-Daria en direction de Khiva, sur la bordure orientale duquel subsistent des vestiges d’édifices en terre crue datant du Ier millénaire de notre ère.
Nous explorons tout d’abord Chilpik, ancienne « Tour du silence » ou dakhma des Zoroastriens. Le zoroastrisme est la religion monothéiste la plus ancienne connue, réforme au Ier millénaire av. J.-C. du mazdéisme. Cette réforme fut prêchée par Zarathoustra – transformé en Zoroastre par les Grecs – qui inspira à Nietzsche sa célèbre œuvre « Ainsi parlait Zarathoustra ». Zarathoustra n’a jamais prétendu être prophète ; il se contentait d’enseigner des axes de réflexion spirituelle. Trois idées principales servent de fondement à cette religion : Humata, Hukhta, Huvarshta, « bonnes pensées, bonnes paroles, bonnes actions », représentant la sagesse éternelle d’Ahura Mazda, le Dieu absolu. Le zoroastrisme rejette le prosélytisme, toute forme de violence, d’idolâtrie ou d’oppression et au contraire insiste sur l’importance de la prière, de l’humilité, du don de soi et de la bonne humeur. Ahura Mazda a créé l’homme en lui donnant son libre arbitre afin qu’il puisse toujours choisir entre le bien et le mal, chaque personne répondant ainsi de ses actes. De même, la religion zoroastrienne considère tous les hommes et toutes les femmes sur un pied d’égalité, indépendamment de leurs opinions, appartenance ethnique, race, nationalité, croyances religieuses, positions politiques.
Érigé entre le premier siècle avant et celui après Jésus-Christ, le dakhma est un édifice circulaire d’environ soixante-cinq mètres de diamètre, surélevé sur une petite colline artificielle. Divisée en de nombreuses alvéoles disposées sur son pourtour, cette construction de terre était vraisemblablement destinée aux personnages de haut rang. A l’issue d’une cérémonie réservée aux prêtres, le corps du défunt était déposé dans une alvéole afin de sécher au soleil et d’être becqueté par les oiseaux en signe de purification. Une fois ce nettoiement achevé – cela pouvait nécessiter une année –, les ossements étaient déposés dans un ossuaire en céramique. Emblématique de la région, Chilpik est représenté sur le blason du Karakalpakstan. Les légendes locales suggèrent même que Zarathoustra aurait entamé ici l’écriture de l’Avesta, ensemble des textes sacrés. Les trois-quarts de ces documents auraient été détruits ou perdus lors des invasions successives d’Alexandre le Grand au IVè siècle av. J.-C. et des Arabes au VIIè siècle ap. J.-C.
Le sommet de l’édifice offre un panorama étonnant : tandis que vers l’est, l’interminable désert « rouge » recouvre la plaine à perte de vue, la vie resurgit triomphalement sur son flanc ouest. La vallée de l’Amou-Daria s’avance jusqu’au pied du sanctuaire, où les flots du fleuve battaient il y a deux mille ans. Le vert intense des champs et des rizières cultivées en contrebas paraît singulier, si proche de l’infinité infertile qui l’entoure.
Aux abords de la route qui longe cette frontière entre l’oasis du delta et le désert, les ruines d’une multitude de forteresses anciennes du Khârezm semblent hanter la steppe déshéritée. Lorsqu’elles sont redécouvertes par les exploreurs russes au début du XXè siècle, elles siègent peu ou prou enclavées dans les sables rouges. Leur grandeur révèle que la région fut prospère et plus proche des terres arables une quinzaine de siècles plus tôt. L’Amou-Daria, en changeant de lit, condamne ou ressuscite les terres qu’il traverse. Il assécha ainsi déjà la mer d’Aral dans le passé en déviant son cours directement vers la mer Caspienne.
Les multiples citadelles formaient un ensemble de fortifications destinées à défendre toute la région et sa population paysanne. Selon les fouilles révélant de nombreux artefacts de céramique, métaux et autres artisanats, Qizil Qala a pu être un important centre de commerce médiéval entre l’Europe et l’Asie ou un palais richement décoré. Un système de canaux irriguant la citadelle et la plaine alentour confirme le développement agricole du site.
Topraq Qala, située seulement à trois kilomètres, est l’une des forteresses les mieux conservées. Construite vers le Ier ou IIè siècle ap. J.-C., elle aurait été abandonnée dès le VIè siècle et fut probablement une résidence royale d’été ou d’hiver. Les photos prises par l’expédition archéologique au cours de l’excavation dans les années 1950 démontrent l’importance de ce site. Malheureusement, en l’absence de protection contre les éléments naturels, les pièces et les arches qui étaient admirablement conservées ont été fortement érodées ces dernières décennies. Les fresques, artefacts et céramiques retrouvées, exposées à Saint-Pétersbourg, dévoilent l’opulence dans laquelle vivaient le roi et sa cour. De nombreux documents écrits en araméen furent retrouvés dans la bibliothèque et permirent de déchiffrer le langage khorezmien préislamique. Ce lieu, où les ruines dessinent encore les contours de chaque pièce et où quelques toits en brique de terre crue demeurent, reste magique à visiter de nos jours. Et ces forteresses abandonnées et oubliées, tantôt entourées de sable, tantôt encerclées d’herbes folles témoignent chacune des mouvements extravagants de ce fleuve indomptable.
Qirkiz Qala n’offre plus qu’une muraille agrémentée de donjons aléatoirement érodés, cerclant l’intérieur du palais élimé. De la plaine, le contraste entre la terre crue, les sables ocres ou dorés, les surfaces blanches de sel, le ciel azuré et le vert de l’oasis enchante le regard.
Semblant guetter les portes du désert, Ayaz Qala impressionne encore par la majesté de ses trois forteresses. Les deux plus anciennes sont bâties au sommet de deux éminences dominant toute la région, formant des postes de garde privilégiés. Cependant la plus récente fut bâtie dans la plaine en contrebas des précédentes afin de protéger plus aisément les paysans en cas d’agression.
Ces témoins de la riche histoire du Khorezm gisent loin des flux de touristes, conservant ainsi la magie de leurs secrets, au cœur d’un paysage scindé entre l’opulence et le dénuement.
Ainsi s’achève notre découverte du Karakalpakstan, tandis que nous nous apprêtons à découvrir les somptueuses villes timourides d’Ouzbékistan, dignes des contes des Mille-et-une nuits.
Album Photos
Superbe article encore une fois. Vous devriez travailler comme reporter, non ?