Sur les pas du roi d’Araucanie et de Patagonie…
Avant de visiter la très belle région d’Araucanie, parsemée de lacs, de volcans et de forêts touffues, Fred et moi lisons Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie de Jean Raspail. Cette lecture nous a plongés dans la magie sauvage de ces régions de l’Amérique australe et rendus encore plus impatients de les découvrir. Vous pouvez sauter ce paragraphe si vous comptez lire le livre !
Cet avoué périgourdin né en 1825, convaincu d’être destiné à une existence exceptionnelle, cherche un royaume à fonder. Ses lectures sur l’Araucanie et la Patagonie le persuadent que sa fortune doit s’accomplir là-bas, en soustrayant les Indiens de la convoitise des Chiliens et Argentins et en créant une grande nation de femmes et d’hommes libres (son royaume interdit l’esclavage). Cet individu excentrique m’a exaspérée par son égoïsme et son égocentrisme (il ruine sa famille sans jamais douter du bien-fondé de ses actions), mais également éblouie par son incroyable opiniâtreté à essayer de vivre son rêve envers et contre tous, supportant des souffrances et humiliations inouïes pour parvenir à ses fins. Malgré son narcissisme et sa frivolité sur bien des sujets, il se montre bien plus humain que nombre de ses contemporains en considérant que la vie et la dignité de ces peuples valent autant que celles des colons européens.
Le long de leur frontière avec l’Araucanie, les Chiliens sont aux prises avec les Mapuches, farouches guerriers qui ont réussi à leur infliger quelques lourdes défaites. L’arme la plus misérable utilisée par les colons pour se débarrasser des tribus sud-américaines est l’alcool fort, qui anéantit leur résistance en dehors de quelques soubresauts de lucidité. Antoine de Tounens arrive dans ce contexte, où les fiers Mapuches massacrent les envahisseurs blancs dans leurs moments clairvoyants, avant de retomber dans des états d’hébétude misérable lors de la livraison des caisses maudites. De façon incroyable, il parvient à les impressionner et se faire un peu écouter malgré leur faible ou inexistante compréhension de l’espagnol, et à les convaincre de la nécessité de l’union de toutes les communautés indigènes dans son Royaume pour lutter contre l’envahisseur. Il fonde alors en 1860 le « Royaume d’Araucanie et de Patagonie », comprenant toutes les terres situées au sud du Rio Biobío et du Rio Negro, qui appartiennent aujourd’hui au Chili et à l’Argentine, et il promulgue la constitution qu’il avait rédigée avant son départ de France. Il réussit même à se faire acclamer « Viva el Rey ! » « Vive le Roi ! » par ses sujets – mais ils n’ont probablement pas tout – voire rien – compris ! Après quelques déboires avec son propre peuple (il se fera piller et même pourchasser) mais soutenu par la fidélité du chef Mapuche Quilapán – lorsqu’il n’est pas alcoolisé, il continue d’agiter son petit monde et est finalement arrêté par les Chiliens qui le déclarent fou et l’envoient croupir en prison pour se débarrasser de ce dangereux trublion.
Rapatrié en France par le consulat, et ayant dilapidé la fortune familiale, il essaie à maintes reprises de se faire aider financièrement par Napoléon III dans son entreprise en tant que royaume ami – il est parfois également appelé Royaume de Nouvelle-France – mais celui-ci a d’autres chats à fouetter. La presse française et la majorité des gens qu’il rencontre tournent cruellement en dérision son rêve atypique, qui se fond mal dans la mentalité conservatrice et bourgeoise de l’époque. Néanmoins il se fera acclamer à nouveau par les Mapuches et d’autres peuples autochtones quelques années plus tard, mais l’absence de soutien logistique (il avait promis des armes – nécessaires à la défense des Indiens, qui n’arriveront évidemment jamais) l’obligeront à fuir une fois de plus.
Quand on voit comment ces peuples américains ont été spoliés et réduits à vivre misérablement ou tout bonnement exterminés par la suite, je ne peux m’empêcher de regretter qu’il n’ait pas pu mettre en œuvre son utopie. Au Chili, pour inciter les soldats à venir s’installer, des terres leur étaient offertes avec tous les hommes qui vivaient dessus. Et en Argentine, les riches propriétaires de haciendas ont carrément mis à prix la tête des Indiens (une livre sterling pour une oreille coupée, le double pour un organe prouvant la mort de la victime) afin de pouvoir coloniser les plaines patagonnes et y faire paître leurs moutons sans prédateur. Certains peuples ont ainsi disparu par génocide, tandis que d’autres ont été décimés par les virus européens ou le mode de vie auxquels ils n’étaient pas préparés.
Quoiqu’il en soit, après cette lecture je me sens l’héritière d’Orélie-Antoine Ier – comme il se désignait – et de son rêve utopique ; et je me sens irrémédiablement attirée par ces régions de pluie et de forêt. La découverte par la suite du magnifique coup d’éclat de Jean Raspail, qui a envahi par deux fois l’Archipel des Minquiers (îles Anglo-Normandes) pour en faire la base navale la plus septentrionale du Royaume et venger l’invasion britannique des Malouines a achevé de me rallier à cette belle cause. Une succession de rois et reines a continué la monarchie jusqu’à présent, et je compte bien me proposer pour le prochain mandat…
L’Araucanie
La communauté Mapuche, qui a donné tant de fil à retordre aux Chiliens, existe toujours et reste particulièrement importante dans la région de Villarica et Pucón où nous passons quelques jours. Ils vivent majoritairement dans les campagnes et luttent toujours avec le gouvernement chilien pour empêcher l’aggravation de la déforestation – qui est leur environnement traditionnel – et essayer de récupérer leurs terres ancestrales.
A partir de cette partie du Chili – et cela est de plus en plus vrai en se dirigeant vers le sud de la Patagonie – les précipitations deviennent abondantes, surtout en hiver. Cependant nous nous en sortons bien et profitons de belles journées ensoleillées, nous permettant notamment d’admirer le majestueux volcan Villarica, d’où s’échappent continuellement des fumeroles sulfuriques. Après la visite des cascades limpides Ojos de Cabunga, nous randonnons dans le sanctuaire du Cañi.
Sa nature très panachée nous ravit, entre les zones déforestées couvertes d’églantines et de fuchsias, les lagunes, les bosquets de bambous et la sombre forêt jonchée de vieilles souches formant un habitat important pour les oiseaux. Dans les parties plus aérées, de nombreux arbres sont revêtus d’usnée barbue, espèce de lichen appelé communément Barba de viejo en Amérique Latine, qui pend des branches et semble avoir été accroché sciemment pour décorer la forêt. La promenade jusqu’au mirador est un peu éprouvante mais très agréable, révélant un superbe panorama sur quatre volcans et la forêt à perte de vue.
Mais nous découvrons surtout l’arbre emblématique de l’Araucanie et même du Chili, qui est sacré pour le peuple Pehuenche (une des tribus qui composent les Mapuches) : l’Araucaria Araucana. Cet arbre – vestige préhistorique – existait déjà il y a 180 millions d’années et peut vivre jusqu’à 2 000 ans. Ses graines comestibles formaient une part importante de l’alimentation des Peheunches, tandis que ses feuilles triangulaires et très dures dissuaderaient n’importe qui de l’envie de s’y frotter ! L’araucaria peut atteindre une hauteur de 50 m et un diamètre de plus de deux mètres, et dans cette région, il ne pousse qu’à une altitude supérieure à 1 200 m car la germination de ses graines a plus de succès après une période de froid de plusieurs mois.
Ayant repris le flambeau royal, j’admire ces sujets aux feuilles persistantes, qui s’élèvent gracieusement dans le ciel, et me font penser à de gigantesques squelettes de baleines une fois morts et en décomposition dans la lagune.
Le lendemain de cette belle promenade se déroule un grand évènement à Pucón : c’est l’Ironman annuel (double triathlon olympique). Toutes les routes sont bloquées de 8h à 17h, nous retenant dans le centre de randonnée équestre où nous logeons. Les autres clients ne pouvant faire le déplacement, nous en profitons pour faire une chevauchée privée dans la montagne, qui se révèle vraiment magnifique et agréable (avec des chevaux bien traités), et me donne l’occasion de vous montrer comment Fred aime photographier la nature au naturel…
La charmante petite cabane que nous louons pendant ces quelques jours nous permet de nous sentir comme à la maison, avec les chats qui rôdent, Fred à la cuisine et le poêle qu’on allume le soir – ce que ne comprend pas le propriétaire, car il trouve les températures déjà trop élevées (note de Fred : j’ai dû ouvrir les fenêtres pendant 2 heures pour faire baisser la température du sauna de sa majesté…) !
Album Google Photos
Je suis prêt á signer une pétition de soutien pour que tu sois la prochaine monarque de cette région.
Un gros bisou aux parents
Merci beaucoup de ton soutien, je ne manquerai pas de t’envoyer la pétition si elle est nécessaire le jour venu !
Bonjour à tous deux, je partage votre voyage grâce aux photos magnifiques de Fred et les textes riches de Laure. Je suis votre périple comme un feuilleton en attendant la suite avec impatience. J’ai la sensation d’y être, de découvrir des lieux toujours plus beaux que les autres et cela continue pour mon plus grand plaisir. Profitez de chaque instant car il est rare de revenir sur des lieux aussi merveilleux soient-ils… Et puis, l’observation des gens nous apprend beaucoup sur les autres et sur nous-mêmes. Arrivez-vous à communiquer un peu (espagnol, gestes…)? Je vous embrasse. Patou
si vous y êtes encore et puisque vous lisez l’extrème droitier jean Raspail,(bon ethnologue écrivain) poussez jusqu’au détroit de Magellan, au delà de Punta Arénas en lisant » qui se souvient des hommes » du même jean Raspail qui traite des Alacalufs tribu décimée (/missionnaires tuberculeux) qui naissaient vivaient et mourraient sur leurs pirogues par 0° humide, sans jamais
débarquer sur la terre maudite.(sauf pour y abandonner les vieux); avec un feu à bord qu’ils n’éteignaient jamais…et des poissons
la dernière Alacaluf a été montrée dans une exposition universelle (1900?)puis adoptée par des français.
sa tombe est une curiosité du cimetière de Carpentras. vous êtes déjà loin sans doute .
merci pour vos voyages vos images , vos textes
J’ai effectivement découvert nos grandes divergences politiques avec Jean Raspail, mais son livre était vraiment excellent. Suivant tes conseils, je viens donc de télécharger « Qui se souvient des hommes » que je vais bientôt attaquer ; j’ai déjà lu beaucoup de choses sur ces peuples mais il y a beaucoup à découvrir encore.
CommeMonsieur Jean Lautrey nous vous disons :Merci pour vos voyages,vos images et vos textes.
Vous avez vraisemblablement quitté cette belle région pour rejoindre vos parents
A bientôt de vos nouvelles..Bisesà tout le monde
Merci Papé et Mamé,
mes parents viennent de nous retrouver en effet, il va d’ailleurs falloir qu’on les fasse sortir du lit là…
Paysages de toute beauté !!! et une fois de plus le photographe n’a pas démérité !
Et maintenant en route pour de nouvelles aventures sur un nouveau continent……
Bises à vous 4
Nous avons effectivement changé de continent, mais il nous reste trois ou quatre articles de retard sur Chili ; nous croulons sous le boulot alors vous n’aurez des nouvelles de Nouvelle-Zélande que d’ici quelques semaines !
Merci pour ces belles photos! Profitez bien en Océanie!
Je trouve que Fred a un petit air de ressemblance avec Antoine de Tounens (la barbe en moins)
Toujours aussi incroyables vos photos en tout cas… #JALOUSIE
La femme s’appelait Orelie..genre personne lui a dit qu’elle savait pas écrire son prénom?
Et sinon, ouf, encore un Poele pour tes fesses. Vous devriez avoir un album photo de ton tour du monde de réchauffage de fesses