Carthagène des Indes

Un peu d’histoire de Carthagène pour commencer…

Carthagène a été construite au XVIème siècle sur des îlots ou presqu’îles succédant à de vastes marécages infestés de moustiques. La ville se développe en tant que port négrier et grâce à la découverte de nombreux tombeaux amérindiens regorgeant d’or qui attirent les aventuriers, et devient rapidement un des sites les plus importants d’Amérique du Sud de la colonisation espagnole.

La ville historique est fortifiée et son architecture coloniale a été très bien préservée. Certains bâtiments sont tombés en décrépitude mais la plupart sont bien restaurés ou en train de l’être. On sent que la ville veut continuer à développer le tourisme ; elle est très propre et la police est très présente notamment le soir, ce qui permet de se promener agréablement et sans inquiétude même de nuit.

La particularité de la ville est la multitude de balcons fleuris de bougainvilliers et hibiscus qui ajoutent de nouvelles teintes aux façades très colorées ; ainsi que des portes très imposantes qui devaient probablement être considérées comme des signes de richesse.

Getsemani, le quartier historiquement populaire où nous logions, abrite de nombreux graffitis que nous avons pistés le long des rues ; quête au cours de laquelle nous avons vu les effets d’un orage colombien de 30 minutes (abrités sous un balcon providentiel) !

Nous n’avons pas pu résister à tester un bon restaurant pour changer des « Arepas con queso » mangés sur le pouce, et avons eu le plaisir de gouter un excellent mélange de fruits de mer au camembert ! La Normandie s’exporte vraiment partout.

Les Colombiens sont agréables, souriants et beaucoup de femmes très belles. Il parait que les Vénézuéliennes sont les plus belles femmes du monde, et nous n’en sommes pas loin ! On retrouve chez beaucoup le mélange des physionomies amérindienne, africaine et européenne. Les richesses semblent toutefois ne pas s’être également réparties entre les différentes populations, et les villages les plus pauvres semblent exclusivement habités de noirs alors que les plus pâles conduisent les gros 4×4. La modernité se mêle à des modes de vie qui nous semblent ancestraux : les balayeurs travaillent sur le bord de la voie d’autoroute uniquement “protégés” par un plot orange, les livreurs de boissons, vendeurs de fruits ou ouvriers du bâtiments transportent leur cargaison sur de petites charrettes poussées à la main au milieu de la rue.

Notre première excursion nous mène au « Convento de la Popa », couvent situé sur une haute colline qui surplombe la ville. De là nous avons une vue superbe sur l’ensemble de la ville, et notamment la ville nouvelle (en particulier le quartier de Bocagrande), presque exclusivement constitué de gratte-ciels sur une fine presqu’île. Nous découvrons un charmant patio à l’intérieur du couvent, avec plein de chats pour mon plus grand bonheur (plutôt maigrichons mais fort sympathiques) et surtout une carte du monde qui permettrait peut-être de rééquilibrer un peu la géopolitique actuelle (cherchez la partie qui manque, ou presque) ! 😉

Suite à ça, notre taxi nous emmène au Fort San Felipe de Barajas. Il a été construit au milieu du XVIIème siècle sur la petite colline située juste à l’entrée de la vieille ville. L’emplacement stratégique du site l’a fait immédiatement identifier comme un risque pour la ville en cas de prise par un ennemi. L’idée initiale de raser la colline s’étant avérée impossible, un premier château avait été construit au sommet. La stratégie de défense était simple : lors d’une agression, la garnison se réfugiait dans le fort, détruisait l’unique escalier en bois qui permettait l’accès au château et attendait tranquillement à l’abri que les moustiques fassent leur boulot. Les moustiques étaient bien fournis en armes de destruction massive et inoculaient aux pimpants européens une variété de virus locaux, plus ceux ramenés d’Afrique par les esclaves (fièvre jaune, paludisme). De quoi mettre une ambiance sympa dans les marécages et régler les velléités les plus belliqueuses !

Je me dois à ce stade de vous raconter deux sièges, par chauvinisme et mauvais-esprit (ce sera la 2^nde et dernière fois après la carte).

En 1697, un baron français mandaté par le Roi Soleil (en froid avec les Espagnols donc) a recruté dans les Caraïbes des flibustiers et autres bandits (environ 1850 hommes) pour aller mettre Carthagène à sac. Le baron a bien préparé son coup en envoyant des espions sur place pour connaître toutes les subtilités de la défense et corrompre quelques personnes bien placées. Lors de l’attaque, la garnison incompétente et en sous-effectif se fait laminer et se rend avant que les moustiques ne fassent effet ; la ville est pillée et le baron repart avec son butin tandis que la moitié de ses hommes finissent tout de même par succomber aux diverses maladies.

Suite à cet évènement, le fort est agrandi et la garnison entraînée.

44 ans plus tard, les Britanniques tentèrent le même coup avec une véritable armée, perdirent 18 000 soldats et 50 navires (sur 23 600 hommes et 186 navires) et rentrèrent bredouille alors que le vice-amiral avait déjà fait annoncer sa victoire au roi, et que des médailles et une chanson avaient été spécialement conçues pour célébrer sa gloire !

Tout ceci me permet de caser une citation que j’aime beaucoup, et attribuée à Surcouf :

« Capitaine anglais : Vous, Français, vous vous battez pour l’argent – tandis que nous, Anglais, nous nous battons pour l’honneur ! »

« Surcouf : C’est bien vrai Monsieur. Chacun se bat pour ce qu’il n’a pas. »

La visite du Palais de l’Inquisition / Musée de la ville s’est avérée plutôt décevante, même si cela fait du bien de rappeler les horreurs dont la chrétienté bien-pensante a été capable. Le principe de dénonciation anonyme pour actes d’hérésie, chamanisme ou sorcellerie permettait aux courageux chrétiens d’envoyer ceux qui les dérangeaient se faire torturer (avant et après le procès pour bien faire) ; l’exposition des divers instruments de supplice utilisés était tout à fait charmante.

Les îles coralliennes « Isla de Rosario » et la « Playa Blanca de Beru » sont de très beaux sites, mais les partager avec 50 autres bateaux gâche quelque peu le plaisir. Cela nous a toutefois permis de nous baigner dans une eau à 30°C avant de rejoindre le Pacifique !

Supplément “wikipedia” optionnel :

Pour ceux que les origines des F.A.R.C. intéressent, dans les années 30 commence à s’organiser une contestation populaire contre la détention de la majorité des terres et des richesses par une infime partie de la population. Par ailleurs, des multinationales soutenues par le gouvernement exploitent les travailleurs, réprimant violemment toute revendication (ceux qui ont lu « Cent ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez se souviendront du massacre de la bananeraie qui fut réel). En 1948, le principal leader de la gauche, extrêmement populaire et vraisemblable futur président de la Colombie est assassiné. Le meurtrier ayant été lynché par la foule presqu’aussitôt, on n’a jamais su qui avait commandité l’assassinat : évidemment les Etats-Unis – qui ont habilement travaillé à anéantir tous les embryons de véritable démocratie en Amérique du Sud – sont les premiers suspects, mais d’autres prétendants plausibles existent. Suite à cet évènement, des émeutes ont éclaté dans le pays, et une guérilla s’est instaurée face au pouvoir ayant une politique très à droite. Par la suite, une amnistie contre la livraison de leurs armes a été proposée aux guérilleros : beaucoup l’ont acceptée mais la faction communiste a refusé et les F.A.R.C. sont nés (officiellement en 1964). Ils sont considérés responsables de 12% des assassinats de civils dans le conflit (contre 8% par les forces gouvernementales et 80% par les paramilitaires d’extrême droite – souvent liés à des hommes politiques), et ont surtout commis beaucoup d’actions violentes contre l’armée et les représentants de l’Etat. Ils s’émancipent du Parti Communiste Colombien au début des années 90 et contrairement aux idées reçues, leurs supposés liens avec les narco-trafiquants semblent n’avoir jamais été formellement prouvés (dans les régions qu’ils contrôlent, les F.A.R.C. prélèvent une taxe sur la production agricole, et donc sur celle de la coca – qui leur procure des revenus substantiels – mais ne seraient pas liés à la transformation de celle-ci en produits dérivés).