- Xi’an, ancienne grande capitale de Chine
- Aux confins ouest de la Grande Muraille
- Le Xinjiang, la Chine en Asie centrale
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En quittant Xi’an, nous abordons les premières villes-étapes de la route de la soie où les caravanes faisaient halte, se ravitaillaient et échangeaient parties de leurs riches cargaisons. Il faut imaginer l’effervescence qui régnait à l’époque lorsque les commerçants et les marchandises des pays d’Europe et d’Asie, transportés à dos d’ânes, de chevaux et de chameaux de Bactriane, inondaient les caravansérails et les boutiques. Comparables aux relais de poste en Europe, ces cités étaient réparties dans les oasis des divers itinéraires de la grande voie commerciale. Le bouddhisme s’imposant au cours des premiers siècles de notre ère comme la religion principale des artères orientales, de nombreux vestiges de temples, stupas, pagodes ou grottes subsistent à chaque étape. Parmi les sites les plus extraordinaires se trouvent de nombreux ensembles de caves creusées à fleur de montagne sur les rives des fleuves en bordure d’oasis, financées par de riches marchands souhaitant porter chance à leurs expéditions. Peintes et sculptées avec raffinement, ces grottes demeurent un témoin exceptionnel de la vie commerciale et religieuse en Chine du IIIe au XVe siècles de notre ère.
Zhangye
Après avoir survolé quelques heures les montagnes dénudées du Gansu, nous parvenons à Zhangye et y admirons notre chambre-yourte des plus kitsch dans un quartier désert, tout juste sorti de terre. Des séries d’immeubles se succèdent sans que la vieille ville ou un quartier commerçant ne soient visibles, dans des secteurs que l’on devine plus ou moins huppés en fonction de l’architecture. Le gouvernement semble toujours anticiper des exodes massifs de la campagne vers la ville, et prévoit des appartements plus faciles à chauffer l’hiver, qu’habitent saisonnièrement certaines familles rurales.
Zhangye est renommée pour son temple du Grand bouddha édifié au XIe siècle. Etendu dans la longueur du grand hall, le bouddha couché de près de trente-cinq mètres semble avoir les yeux ouverts lorsqu’on lui fait face, et fermés lorsque l’on se trouve à ses pieds. Son corps creux abritait une importante collection d’écrits bouddhiques dont certains ont pu être préservés des gardes rouges grâce à leur dissimulation dans une chambre secrète. De bon matin, l’esplanade face au temple est accaparée par d’innombrables retraités se consacrant à la gymnastique, au yoga ou à la calligraphie.
Au pied des monts Qilian à soixante kilomètres au sud-ouest de Zhangye, le temple bouddhique troglodyte tibétain du sabot de cheval s’étire sur une trentaine de kilomètres. Le spectacle au seuil du parc est majestueux, découvrant une porte chinoise grandiose qui se découpe sur les cimes enneigées.
Dans le temple principal, creusé dans la roche à partir du IVe siècle, de nombreuses caves demeurent dans de bonnes conditions tandis que certaines ont souffert de la Révolution culturelle et de l’érosion. Alors qu’à son apogée le temple hébergeait mille moines, un seul anachorète loge toujours dans une petite cellule à son sommet, sur un lit de fortune exposé au froid et au vent. Les pèlerins, plus ou moins croyants, viennent nombreux se recueillir ou faire une donation. Notre guide Meijing nous relate que les Chinois sont peu religieux mais aiment fréquenter les lieux sacrés et accomplissent les rites du site visité, qu’il soit bouddhiste, confucianiste ou taoïste. Autour du pilier central ou stupa, les fidèles doivent accomplir trois rotations dans le sens des aiguilles d’une montre. Les escaliers creusés à flanc de falaise secondés de petits balcons de bois surplombant le vide donnent accès à des niches de la taille d’une chambre, où des statues de bouddhas dominent des offrandes d’argent, de fruits ou de chocolats. Nous observons avec surprise Meijing prendre une orange et déposer un billet ; elle nous explique que c’est une forme coutumière de don. Le second temple, édifié à quelques kilomètres en aval, arbore également d’élégants balcons fermés et parfois étagés, peints de motifs religieux, mythologiques ou paysagers.
Un décor tout à fait différent nous guette aux montagnes arc-en-ciel, où les multiples strates de roches offrent des couleurs alternées fantastiques. Les tons ocres dominent mais une vaste palette du blanc au vert dessine le paysage. Alors que ces monts accueillaient une étape de la route de la soie pendant plusieurs siècles, ils furent longuement oubliés suite à son déclin. Cependant en 2009, le réalisateur chinois Zhang Yimou y tourna le film A Woman, a Gun and a Noodle Shop, donnant enfin à ce site la renommée qu’il mérite. Les bâtiments du long métrage trônent toujours au milieu des montagnes tels d’anciens vestiges, et le lieu est devenu l’une des destinations favorites des vacanciers chinois. Ici encore l’accueil touristique n’est en rien laissé au hasard : un immense parking, une gigantesque esplanade et un énorme bâtiment se succèdent pour accueillir les foules. Depuis cet édifice nous sommes répartis dans des bus qui nous mènent sur le site. Plusieurs arrêts sont définis sur l’itinéraire, et seules quelques surfaces délimitées sont accessibles à pied. Cette organisation pointilleuse et encadrée gâte sans aucun doute la magie du lieu mais au moins le préserve-t-elle. Les générations futures apprécieront immanquablement cette discipline qui contraste avec la négligence et l’absence d’infrastructure observées en Asie centrale où nous nous promenons à notre guise dans tous les sites historiques. Cela nous gâche finalement plus de plaisir car il est évident que certains sites majeurs auront disparu érodés sous les pas des visiteurs d’ici quelques décennies.
En tout cas nous avons à nouveau du succès auprès de ces superbes collines lorsque cinq amis décident de se faire photographier avec nous chacun leur tour. Il n’y a aucune fourberie cette fois, ils demandent clairement à ce que nous posions avec eux !
Jiayuguan et la Grande Muraille
A une centaine de kilomètres au nord de Zhangye se trouve la forteresse de Jiayuguan, datant du XIVe siècle, qui marque l’extrémité occidentale de la Grande Muraille de Chine sous la dynastie Ming (1368–1644). Edifié sur une oasis en bordure du désert de Gobi, le fort était l’ouverture principale de l’empire chinois vers l’ouest, d’où les citoyens bannis étaient expulsés. Il a été grandement restauré au siècle dernier et sa structure de défense est typique de tous les anciens forts que nous visiterons en Chine et Asie centrale : toute entrée nécessite de traverser une cour close dominée par de hauts murs couverts d’archers. Il était ainsi très difficile de pénétrer de force dans la citadelle. A quelques kilomètres, certaines portions de la Grande Muraille de la même époque subsistent sur les crêtes de la montagne alors que d’autres ont été intégralement reconstruites. La contrée étant très froide en hiver, une piste de ski artificielle couvre une parcelle du flanc au sud de la muraille.
Dans la même région, les tombeaux des Wei et des Jin de l’ouest, tombes de riches bourgeois construites entre le IIIe et le Ve siècle et ensevelies sous des tumulus recèlent d’intéressantes fresques décrivant en détail la vie de l’époque. Les activités de la femme et de l’homme y sont portraiturées dans des saynètes peintes sur des briques extrêmement bien préservées de l’air et de la lumière. De nombreux autres tombeaux sont fermés au public pour stabiliser les températures et l’hydrométrie.
Au fil de nos étapes dans les hôtels, les petits déjeuners chinois nous offrent quelques surprises : nous trouvons ardu de devoir se nourrir d’une soupe à l’ail et à l’oignon dès le lever, et lorsque nous avons la chance d’obtenir un petit déjeuner sucré, étaler du beurre et de la confiture avec des baguettes s’avère bien laborieux ! Mais ces difficultés sont largement compensées par le plaisir de lire les innombrables pancartes en anglais très certainement traduites par des logiciels en ligne à la compréhension approximative !
Les grottes aux mille bouddhas de Mogao
A bord de notre premier train-couchettes chinois, nous rejoignons Dunhuang qui abrite l’un des sites historiques les plus importants du pays. Les grottes de Mogao, classées au patrimoine mondial de l’Humanité de l’UNESCO dès 1987 sont composées de quatre cent quatre-vingt-douze caves ornées de statues et / ou couvertes de fresques, creusées entre le IVe et le XIVe siècle de notre ère. Ces grottes situées sur la route de la soie étaient à l’origine creusées par des moines, puis furent financées par de riches commerçants espérant ainsi bénir leurs caravanes. La majorité des peintures décrivent la vie et l’œuvre de Siddhartha Gautama dit Sakyamuni, le Bouddha historique. Des milliers de manuscrits bouddhiques y furent également entreposés et oubliés pendant près de cinq cents ans, depuis le déclin de la route de la soie au XVe siècle, alors concurrencée par le transport maritime. Les styles artistiques des différentes époques sont aisément reconnaissables, assimilant progressivement le bouddhisme dans la culture chinoise. Les grottes du IVe au VIe siècles, influencées par l’art gréco-bouddhique du Gandhâra, surprennent énormément les premiers explorateurs européens. Cet art particulier issu d’une région aujourd’hui située au nord du Pakistan est à l’origine des premières représentations anthropomorphiques du Bouddha. Son origine est liée à l’établissement de colonies par Alexandre le Grand jusqu’aux bord de l’Indus au IVe av. J.C., favorisant l’intégration de l’art grec dans ces régions orientales. Les premières représentations du Bouddha sont ainsi calquées sur le modèle du dieu Apollon, puis orientalisées au fil des siècles. L’art bouddhique de Chine suit alors ses propres évolutions et intègre des références spécifiques à la culture du pays. Il s’éloigne progressivement des canons indiens, transformations que l’on observe dans les physionomies, les tenues vestimentaires, les personnages représentés ou les décors.
Quelques colossales statues de Bouddha sont intactes, la plus grande atteignant trente-cinq mètres de haut. La majorité des caves sont fermées au public afin de les protéger et de permettre aux archéologues et scientifiques de parfaire l’étude de ce patrimoine exceptionnel. Certains morceaux de fresques extérieures subsistent mais la plupart sont désormais masquées derrière des murs construits depuis les années 1950 afin de les protéger de l’eau, du vent, de la lumière et surtout du sable. Les photos étant interdites à l’intérieur j’en ai glané quelques-unes sur internet, complétées d’une reproduction de musée que nous étions autorisés à immortaliser. L’état de conservation des fresques vieilles de douze siècles que nous avons pu admirer est époustouflant. La couleur chair utilisée pour de nombreux personnages s’est oxydée, mais la plupart des autres teintes sont restées telles qu’à l’origine, composant des tableaux magnifiques.
Face à la colline abrupte dans laquelle ont été creusées les grottes, la vallée de la Dachuan s’étale sur plusieurs centaines de mètres, très sableuse. Une jeune chinoise s’y fait abondamment photographier par une amie au milieu des stupas disséminés – édifices destinés à recueillir des reliques du Bouddha. Elle pose ensuite gracieusement pour Fred dans sa tenue d’apparat, au milieu de ce décor de cinéma.
Je trouve dans l’ensemble les Chinoises très jolies et élégantes, vêtues de tenues mettant bien en valeur leur taille souvent très fine. Et dans les régions que nous avons visitées, les femmes et hommes ne nous paraissent pas particulièrement petits contrairement à ce que nous pensions.
Une dernière surprise nous attend de passage aux toilettes : un tableau expose la photo et le titre de chacun des hommes et femmes de ménage. Fred est enchanté de savoir qui a nettoyé avant son passage !
Les explorateurs de la route de la soie
Les vestiges bouddhiques de la route de la soie attirèrent de nombreux explorateurs occidentaux à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Bouddhas et rôdeurs sur la route de la soie de Peter Hopkirk nous permet d’approfondir notre compréhension des enjeux de l’époque, des motivations de chacun et des conséquences de cette course au trésor. Les caractères et le professionnalisme de ces explorateurs divergent profondément et certains ne méritent en aucun cas le titre d’archéologue, n’hésitant pas à abimer ou même détruire ce qu’ils ne peuvent emporter. Certains prétendent que ces hommes ont permis de sauvegarder une partie du patrimoine chinois face à de réelles ou supposées menaces, mais dans la majorité des cas, l’activité de ces explorateurs s’apparente plutôt à du vol même si la passion qui les animait ne pouvait être qu’authentique pour braver les étés (à +40°C) et les hivers (à -30°C) du désert de Takla-Makan et y risquer leur vie. L’auteur soulève la question de la responsabilité du gouvernement chinois qui mis très longtemps à protéger ses trésors, mais occulte malheureusement le fait qu’à cette période, la Chine était en proie à la colonisation occidentale, générant une grande instabilité politique et une incapacité à réagir face aux trames sournoises des Européens (et plus marginalement des Etats-Uniens et des Russes).
Le plus irrespectueux de ces explorateurs est sans aucun doute Albert Van Lecoq, Allemand qui n’hésita pas à vandaliser ce qu’il ne pouvait pas emporter, scia des pans entiers de murs pour emporter des fresques (les portions laissées vacantes dans d’autres grottes que nous visiterons ultérieurement nous ont fait froid dans le dos), et incita les musulmans locaux à détruire les représentations anthropomorphiques demeurantes à son départ afin que personne d’autre n’en profite. Nos guides Chinois n’ont pas manqué de mentionner ses crimes variés et le tiennent en horreur. Mais nous sommes surpris de découvrir que le sinologue français Paul Pelliot, qui acheta en 1908 au gardien des grottes de Mogao de nombreux manuscrits d’une valeur inestimable pour un prix dérisoire, est considéré sans antipathie par nos guides. Peut-être le fait qu’il ait été le seul véritable spécialiste de la Chine et qu’il ait porté à la connaissance de l’élite du pays l’existence de ces richesses historiques leur permettant par la suite d’en protéger une partie lui ont permis d’être pardonné. A ce jour, les plus grands musées d’Europe regorgent d’œuvres bouddhiques chinoises splendides dans leurs caves, ne pouvant en exposer qu’une infime partie, et motivant les demandes répétées de la Chine pour récupérer ces témoins de leur histoire.
Dunhuang
Un paysage populaire au nom poétique se situe juste au sud de Dunhuang : la Dune du sable chantant, au pied de laquelle s’écoule la Source du croissant de Lune. Cet ensemble d’harmonieuses dunes de sable doré couvre huit cents kilomètres carrés à seulement quelques kilomètres de la ville. Au creux de deux d’entre elles, une source forme un lac à la silhouette de croissant. Malheureusement le développement touristique très consommateur d’eau cause une baisse dramatique du niveau de ce bassin naturel depuis quelques années. Les innombrables excursions à dos de chameau ou en quad peuvent saboter la féerie du lieu en haute saison, mais sa beauté sereine se dévoile pleinement dans des conditions propices.
Une fois de plus, la quasi-totalité des touristes sont chinois et les stands de souvenirs – de (plus ou) moins bon goût – fourmillent dans la rue piétonne. Les cantines ouïghoures (ethnie musulmane turcophone à l’honneur de notre prochain article) occupent l’extrémité de la promenade et nous offrent l’occasion de goûter nos premiers chachliks, brochettes fort savoureuses traditionnellement au mouton. Spécialités de l’Asie centrale, c’est en Chine où la culture gastronomique est bien plus développée que nous en goûtons les meilleurs.
Sur la route de Yadan
En s’éloignant à plus d’une centaine de kilomètres vers l’ouest, l’austère désert de Gobi laisse soudainement la place à des formations géologiques dues à l’érosion dénommées Yadan. Toutes sortes de formes s’avoisinent dans cet immense espace dépouillé, et les éminences érodées rappellent les Douze Apôtres d’Australie multipliés à l’infini et perdus dans un océan de sable, d’où la mer se serait définitivement retirée.
Sur le chemin du retour, nous contemplons les vestiges de la Porte de Jade, ancienne forteresse sur la grande muraille datant du IIe siècle av. J.C., étape primordiale de la route de la soie sous la dynastie des Hans (202 av. J.C. – 220 ap. J.C.). Ce passage était l’un des deux postes frontières permettant de quitter l’empire chinois vers l’ouest. Une légende affirmait qu’en scellant une pierre de jade à l’entrée de l’édifice, on assurait au périple un déroulement et un dénouement heureux. Il parait ainsi qu’à l’époque florissante des échanges commerciaux, la façade principale était couverte de jade, forçant néanmoins les voyageurs moins fortunés à emprunter l’autre fort pour sortir du territoire chinois.
La structure de la Grande Muraille, située aux confins occidentaux de l’empire Han, est encore tout à fait visible alternant les couches de paille de roseau et de terre.
Nous terminons ce séjour en territoire Han par un ballet à la gloire de l’ouverture séculaire du pays envers les autres cultures. Nous sommes très attristés pour les artistes de voir tout le public s’enfuir littéralement de la salle sitôt le rideau tombé, sans applaudissements ni rappel ! Mais probablement est-ce juste culturel.
Nous prenons alors le train de nuit pour rejoindre la région autonome ouïghoure, le Xinjiang, souvent dénommé Turkestan oriental au XIXe siècle en opposition au Turkestan russe qui correspond approximativement à l’Asie centrale de nos jours. A la gare, la fouille systématique des bagages nous prépare à la surveillance renforcée dont les Ouïghours font l’objet.
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C’est toujours aussi merveilleux . Et en core un très grand MERCI pour nous avoir fait profiter de toutes ces beautés.
Vous en avez de ces précieux souvenirs dans vos têtes ! ! ! A bientôt le plaisir de vous revoir . BISOUS
Reportage absolument superbe et passionnant.
Merci mille fois pour ces superbes photos et les textes toujours très intéressants.
Amicalement
Michèle
La beauté et la diversité des sites que vous nous présentez me laissent complètement pantois devant une telle richesse que j’étais bien loin de m’imaginer même après deux voyages en Chine! Un grand merci de nous les faire découvrir.
Amicales pensées
André