- Xi’an, ancienne grande capitale de Chine
- Aux confins ouest de la Grande Muraille
- Le Xinjiang, la Chine en Asie centrale
La Chine. Le choc culturel de notre voyage.
La Chine évoque de nos jours les gadgets de pacotille et un régime autoritaire, occultant son histoire et sa civilisation prodigieuses. Cependant dès nos premiers instants sur cette terre orientale, la richesse culturelle multimillénaire se révèle omniprésente. Aucun vestige de civilisation des pays que nous avons parcourus jusqu’ici ne peut même marginalement se comparer à ce que nous découvrons en Chine, que ce soient des temples du XIIe siècle, des grottes recouvertes de fresques encore resplendissantes de couleurs datant du VIIe siècle ou des momies vieilles de quatre mille ans ! Et la nature n’est pas en reste avec le mont Hua, les montagnes arc-en-ciel, les déserts de Gobi et du Takla-Makan, les Monts Célestes et les mythiques oasis de la route de la Soie.
La première chose qui me marque en déambulant dans les ruelles et bâtiments chinois est de humer une odeur bien connue, mais éclipsée pendant onze ans. Il s’agit probablement d’un détergent quelconque, mais ce parfum me transporte immédiatement dans ma résidence étudiante moscovite. Comme une madeleine de Proust, cela me rend irrémédiablement le pays attachant. Par ailleurs, nos a priori sur les Chinois s’atténuent au fur-et-à-mesure que nous les découvrons plus décontractés, aimables et serviables que ce que notre expérience passée laissait présager. Et une autre excellente surprise fut d’observer les autochtones trépigner d’envie de nous prendre en photo, soit discrètement soit franchement, et affectionnant particulièrement les selfies. Il n’y a pas de quoi être fiers, et pourtant nous sommes flattés de faire partie de l’album photo de dizaines de familles chinoises !
Après une éphémère promenade dans Pékin – où la dernière mode vestimentaire pour nouveau-né, le regard bienveillant de Mao sur la place Tian’anmen et un compte à rebours défraichi pour les jeux olympiques de 2008 nous subjuguent – notre véritable exploration de la Chine débute à Xi’an.
La route de la soie
Nos pérégrinations dans cet immense pays se cantonnent aux régions du nord-ouest, le long de l’artère septentrionale du vaste réseau de communication entre l’Orient et l’Occident universellement connu sous le nom de route de la soie. Alors que des traces de son existence remontent à deux mille ans avant notre ère, celle-ci s’est particulièrement développée à partir du IIe siècle av. J.C. suite au voyage de Zhang Qian en Asie centrale. Envoyé par l’empereur étudier les possibilités d’alliance avec les peuples voisins en 139 av. J.C., ce général chinois est capturé pendant dix ans mais rapporte à l’issue de son évasion une connaissance approfondie de la région. De toutes les découvertes relatées par Zhang Qian, l’empereur s’intéresse particulièrement aux « chevaux aux longues jambes » de la vallée du Ferghana qu’il surnomme chevaux célestes, bien plus grands, élancés et adaptés au combat que les chevaux chinois. C’est afin de s’en procurer que l’empereur légalise et organise l’exportation de soie comme monnaie d’échange. Malgré les conflits, l’ouverture de relations diplomatiques et commerciales avec les peuples voisins marque le début d’un essor considérable de la route de la soie.
Du côté oriental, celle-ci débutait à Xi’an, dénommée à l’époque Chang’an et capitale de l’empire chinois sous plusieurs dynasties entre 220 av J.C. et 907 de notre ère. Les caravanes s’y approvisionnaient en une grande variété de denrées chinoises de valeur, dont la soie, et commençaient leur long et dangereux périple vers l’ouest, qui pouvait les mener en Russie, en Inde, en Turquie ou même jusqu’en Europe. Les caravanes se relayaient fréquemment lors d’étapes dans les caravansérails où s’échangeait les trésors variés en provenance de toutes les régions. Très peu de voyageurs parcouraient la route d’un bout à l’autre ; le plus célèbre d’entre eux fût Marco Polo qui accompagnât à la fin du XIIe siècle son père et son oncle depuis Venise pour un séjour de plus de vingt ans à la cour de la dynastie mongole Yuan, qui règne à l’époque sur la Chine.
Le terme devenu populaire « route de la soie » a été inventé au XIXe siècle par un géographe allemand alors que la soie ne représente qu’une infime fraction de ce qui s’échangeait sur ces routes mythiques qui relièrent longtemps l’Empire romain à l’Empire du milieu. Plus que les épices, les pierres précieuses ou les étoffes, les Chinois considèrent aujourd’hui que la contribution majeure de la route de la soie fut d’introduire le bouddhisme en Chine.
L’armée de terre cuite de Qin Shi Huang
Au IIIe siècle avant J.C., soit un siècle avant les prouesses du général Zhang Qian, le souverain chinois Qin Shi Huang parvient à unifier les seigneurs et s’autoproclame empereur. Dès son accession au trône à treize ans il entreprend la construction d’un immense palais funéraire souterrain, découvert incidemment par un paysan en 1974. L’excavation se révèle extraordinaire, exhumant plus de huit mille soldats de terre cuite légèrement plus grands que nature, ainsi que des centaines de chevaux. L’ensemble est disposé à l’image d’une véritable armée, l’état-major à l’avant-garde et revêtant la tenue adaptée au grade de chaque personnage. Les statues étaient peintes et équipées de véritables armes en métal, et les chevaux harnachés. Malheureusement la majorité des arbalètes, épées, lances et autres équipements n’ont pas été retrouvés. D’après les archéologues, quelques années seulement après la mort de l’empereur, les paysans de la région se révoltèrent et dérobèrent les armes des soldats de terre cuite avant d’embraser le site. L’analyse des armes qui subsistent a mis en évidence la maîtrise du chromage (placage au chrome), technique industrialisée en Europe plus de deux mille ans plus tard.
Deux chariots avec cocher en bronze, finement ouvragés et de taille réduite, étaient destinés à transporter l’âme du défunt.
L’incendie des vastes tranchées aux plafonds composés de poutres, de nattes de roseaux et de terre a provoqué l’affaissement du toit et la destruction des chariots de bois attelés aux chevaux. La plupart des statues ont ainsi été brisées sous le poids des matériaux, nécessitant aujourd’hui un patient labeur de reconstruction.
Alors que le corps des statues est moulé, les têtes sont sculptées – ou tout du moins parachevées – individuellement, faisant de chacune une pièce unique. Leur finition est saisissante : les cheveux, les vêtements ou même les crampons des semelles antidérapantes sont scrupuleusement figurés. Malheureusement, la majorité des statues excavées ont perdu leurs couleurs avec le temps et au contact de l’air et de la lumière, dissuadant les archéologues d’approfondir les fouilles dans toutes les sections.
Les fosses de l’armée de terre cuite ne représentent qu’une fraction de l’immense nécropole de quatre-vingt-dix-huit kilomètres carrés que l’empereur a faite édifier. Son tombeau, qui promet d’être grandiose d’après un écrit postérieur à sa construction, se trouve sous un immense tumulus et n’a pas encore été exploré. Les autorités craignent de ne pouvoir empêcher les dégradations naturelles des découvertes au contact de l’extérieur, et ont choisi jusqu’à présent de préserver ce trésor en attendant la mise au point des outils nécessaires à sa pérennité.
C’est une véritable foule qui se masse devant les fosses de soldats, formant un agglutinement compact quasiment infranchissable. Vous apprécierez donc qu’une mâchoire ou une arcade sourcilière de touriste local ait pu être endommagée pour parvenir à prendre nos clichés.
Les Chinois – qui nous ont prouvé à maintes reprises être les maîtres de l’organisation touristique – ont créé un mini-studio avec un poster mural et un premier rang de statues en relief entre lesquelles les voyageurs s’agglutinent pour se faire immortaliser avec l’armée légendaire ! Il faut bien entendu payer pour ce souvenir, donc nous n’en avons qu’une photo volée et tronquée.
Etant affamés à la sortie de cette excursion, notre guide nous mène à une maison de thé où nous goûtons une soupe locale simple mais savoureuse à base de nouilles de blé, viande, œuf, aromates et piments. Mais cette pause est surtout l’occasion de déguster une sélection de thés parfumés et très subtils, servis selon le rituel chinois en n’utilisant que la troisième eau (les infusions précédentes sont jetées). Cet instant de délicatesse nous immerge dans cette culture remarquable du pays et me donne envie de revenir étudier longuement leurs divers raffinements.
Xi’an
Deux pagodes des VIe et VIIe siècles subsistent en périphérie de la vieille ville de Xi’an malgré la disparition des temples auxquels elles étaient rattachées. La Grande pagode de l’oie sauvage fût construite en 652 pour recueillir les statues de Bouddha et les manuscrits bouddhiques rédigés en langue sanskrite rapportés par le moine Xuanzang de son long périple vers l’Inde au fil des étapes de la route de la soie. Le récit de son voyage de seize ans est une source primordiale de la connaissance de l’Inde bouddhique de l’époque, et ses traductions en chinois ont permis de recouvrer certains textes sacrés indiens intégralement ou partiellement disparus. La Petite pagode de l’oie sauvage construite cinquante-cinq ans après sa grande sœur fût également pendant longtemps destinée à abriter les traducteurs de textes sacrés bouddhiques. Presque dissimulée au cœur d’un agréable jardin peuplé d’arbres centenaires sophora japonica et de sculptures en pierre, cette pagode apporte une touche de quiétude hors du mouvement incessant de la ville. Bien qu’endommagées et raccourcies par le tremblement de terre de 1556, les deux pagodes culminent toujours à soixante-quatre et quarante-cinq mètres.
Avant de s’imaginer flâner dans les rues chinoises, il est judicieux de savoir que les trottoirs n’appartiennent pas aux piétons et que dans toutes les artères principales, la circulation est semblable aux remous d’une fourmilière en état de guerre. A première vue les déplacements paraissent anarchiques, mais nous réalisons au fil des jours que les gens roulent assez lentement et se laissent mutuellement passer selon des usages en définitive bien établis. Alors que les traditionnels vélos se font rares, les scooters pullulent mais sans un bruit. La Chine étant grande productrice de gaz, son tarif est imbattable et tous roulent à ce carburant qui les rend forts discrets (nous pensions auparavant que seuls les véhicules électriques pouvaient être silencieux).
La vieille ville impériale, dont les remparts actuels furent édifiés au XIVe siècle, a conservé ses temples de la Cloche et du Tambour, situés respectivement à l’est et à l’ouest du centre et destinés à annoncer le début et la fin de la journée. A la tombée de la nuit, nous décidons d’immortaliser ces temples à l’aide du trépied. Pendant que Fred tente quelques réglages, je remarque un Chinois dans la cinquantaine qui rôde autour de nous. Il se hisse discrètement sur la pointe des pieds dans notre dos pour regarder l’écran, puis s’éloigne et nous prend furtivement en photo avec son téléphone portable avant de disparaitre… Ce comportement chinois typique nous met d’excellente humeur !
De nombreux commerçants perses et arabes se sédentarisant dans la région à l’âge d’or de la route de la soie, une grande mosquée y fût édifiée selon l’esthétique chinoise, où prie toujours l’ample communauté musulmane de Xi’an. Ce mélange de temple chinois et d’Islam est surprenant mais offre un harmonieux mariage de styles. Le quartier musulman qui la jouxte trépigne de vie et d’animation tandis que les touristes chinois déambulent parmi les étals regorgeant de préparations culinaires appétissantes. Je suis par ailleurs impressionnée par la propreté immaculée des rues dans tous les quartiers que nous arpentons. L’Etat essaie d’éduquer la population à des comportements plus écologiques en multipliant les poubelles – proposant toujours une corbeille pour produits recyclables pour les plus récentes – mais les balayeurs y sont surtout nombreux et efficaces.
Le Mont Hua
Au terme d’une centaine de kilomètres parcourus à la vitesse de l’éclair à bord du TGV chinois flambant neuf, nous parvenons au mont Hua (Hua Shan en chinois), montagne sacrée du bouddhisme. Comme tout site touristique chinois, il est conçu pour accueillir des millions de visiteurs dans des infrastructures grandioses. Après avoir découvert que le sentier d’accès aux sommets est vertigineux, nous décidons de voyager à bord du nouveau téléphérique du sommet Ouest et de randonner uniquement sur les cimes. Nous ne sommes aucunement préparés au spectacle qui nous attend : après une courte ascension comparable à celles des stations de ski alpines, les cabines survolent soudainement un immense précipice, large et profond de plusieurs centaines de mètres, puis s’envolent le long d’une falaise abrupte qui semble infinie. Je dois admettre que nous sommes soulagés de mettre pied à terre malgré la beauté du spectacle.
Dès nos premiers pas nous sommes frappés d’observer des centaines de Chinois de sept à soixante-dix-sept ans gravir les cinq sommets du mont sacré avec zèle. Quel contraste avec les familles australiennes qui soufflaient bruyamment au moindre effort !
Malgré un ciel brumeux qui affadit les couleurs, le spectacle est époustouflant. De toutes parts, les montagnes s’élèvent bordées de sentiers vertigineux et de précipices affolants. Sur les cinq vénérables sommets (du nom des quatre points cardinaux plus la montagne centrale) se tiennent des temples bouddhiques, qui même s’ils ne s’avèrent pas d’un intérêt architectural majeur, donnent corps à ce lieu de pèlerinage. Les croyants souhaitant accomplir un vœu font graver leur nom sur des cadenas dorés et les accrochent aux chaines assortis d’un ruban rouge.
Les moines bouddhistes choisissaient de préférence des sites très difficiles d’accès afin de vivre leur vie ascétique dans des conditions propices. Quelques-uns d’entre eux vivent toujours dans ces temples alors que les Chinois fréquentent en foule ce lieu enchanteur et que les touristes étrangers s’y comptent sur les doigts d’une main.
L’attente à la gare au retour nous permet de contempler pour la première fois le goût des autochtones pour les animations sportives de plein air ! Après avoir observé un couple danser au son d’un poste à musique sur une placette, nous découvrons sur le parvis un vaste groupe majoritairement féminin s’entraîner sur une chorégraphie apparemment bien rôdée ! De l’autre côté de l’esplanade, quelques hommes s’évertuent à fouetter une espèce de toupie tandis qu’à quelques enjambées un autre individu exécute sa gymnastique. Ce spectacle que l’on retrouvera dans les autres villes nous explique vraisemblablement la grande forme physique que nous n’avons cessé de remarquer au cours de notre séjour.
Pour les courageux : histoire simplifiée de la Chine moderne
Première puissance économique mondiale pendant plus de deux millénaires, la Chine rivalise avec l’Europe dans les domaines scientifiques, techniques ou de la médecine et offre le niveau de vie le plus élevé au monde jusqu’au XIXe siècle. Elle manque le tournant de l’industrialisation et sa puissance commence à s’étioler face aux pays occidentaux ou au Japon qui multiplient les traités inégaux et se partagent progressivement les richesses du pays et certains de ses territoires. Excédés par cette perte de souveraineté et la déliquescence du pays, l’élite du pays pousse l’empereur à abdiquer en 1911 afin de transformer la Chine en république.
Pendant quelques décennies, devant notamment composer avec toutes les puissances étrangères impérialistes, le pouvoir politique se montre instable et une guerre civile opposant le parti nationaliste Kuomintang et le parti communiste est entamée.
La guerre sino-japonaise débute en 1937 ; l’invasion et les terribles exactions commises par le Japon continuent d’affaiblir le pays malgré une trêve de la guerre civile pour affronter l’ennemi commun. Face à la menace japonaise, la Chine reçoit le soutien de l’Union des républiques soviétiques socialistes et des États-Unis d’Amérique. A l’issue de ce conflit qui s’acheva avec la capitulation du Japon face aux Alliés et fit au-delà de vingt millions de morts parmi ses citoyens, la Chine se trouve encore plus affaiblie mais parvient enfin à recouvrer sa souveraineté.
Dès lors, les luttes politiques entre les deux partis reprennent malgré les tentatives des Etats-Unis pour parvenir à un accord. Finalement le Parti Communiste emmené par Mao Zedong gagne peu à peu toutes les régions de la Chine et fonde la République populaire de Chine en 1949. Les membres du parti nationaliste s’enfuient à Taiwan où se trouve toujours la République de Chine (toute la différence réside dans le « populaire ») ; après avoir longtemps réclamé la souveraineté sur la métropole, le gouvernement taiwanais a désormais adopté la politique du statut quo : ni indépendance ni réunification forcée.
Appliquant initialement des pratiques modérées pour relever le pays dévasté par les guerres, le régime devient de plus en plus autoritaire et répressif, et instaure le culte de la personnalité. Au cours d’une campagne d’autocritique décidée par Mao et destinée à surmonter les difficultés rencontrées par le pays, certains intellectuels effectuent des diatribes virulentes qui inquiètent le gouvernement et l’incitent à entamer une lutte « anti-droite », consistant principalement à éradiquer les intellectuels et membres du parti ne souscrivant pas à la ligne maoïste.
Puis, malgré les mises en garde de Khrouchtchev qui reconnait dans ce projet une réplique de la prétention stalinienne qui dévasta et affama l’Ukraine, Mao met en place le programme de modernisation économique irréaliste « le bond en avant » qui déclenche en 1958 une immense famine conduisant à la mort de plusieurs dizaines de millions de personnes. Face à ces terribles échecs et son mode de vie de plus en plus dépensier et décadent, Mao perd l’appui des autres membres du parti, et est alors destitué de son titre de président de la République. Il est remplacé par Liu Shaoqi qui met en œuvre des mesures plus modérées et une plus grande ouverture du pays ; Mao conserve néanmoins son titre de président du parti communiste. Cette nouvelle politique permet un allègement du régime autoritaire pendant deux ans, à l’issue desquels Mao parvient à revenir sur le devant de la scène en déclenchant la Révolution Culturelle.
Au cours de cette terrible période, Mao appelle tous les citoyens et surtout la jeunesse chinoise – ces volontaires principalement étudiants forment les gardes rouges – à rejeter et détruire les « quatre vieilleries » afin de les remplacer par la culture moderne. Ces « quatre vieilleries » consistent en les vieilles idées, la vieille culture, les vieilles coutumes et les vieilles habitudes. Ainsi les anciens opéras sont interdits, de nombreux temples sont vandalisés, la littérature classique est brûlée et des peintures ou antiquités sont détruites. Toute la culture ancienne est remplacée par une nouvelle culture en accord et au service de l’idéologie du parti. Les jeunes gens fanatisés vont ainsi détruire des témoins inestimables de la civilisation chinoise, souvent dans leur propre région d’origine : les dégâts observés par exemple au Tibet sont pour la plupart l’œuvre de jeunes Tibétains. Cette mesure aide principalement Mao à se débarrasser de l’élite qui lui est hostile et à reprendre le contrôle du parti. Les exactions des gardes rouges dégénèrent à de multiples occasions et le pays se trouve au bord de la guerre civile. Selon les sources, les conflits auraient généré entre plusieurs centaines de milliers et plusieurs millions de morts. Zhou Enlai, premier ministre du pays depuis sa proclamation en 1949 et très apprécié du peuple, est un homme aux idées plus modérées, fin diplomate, administrateur compétent et à l’écoute, qui essaiera tout au long de son mandat de limiter les excès des décisions présidentielles malgré sa soumission devant Mao. Zhou fait appel à l’Armée populaire de libération pour protéger des monuments tels que la Cité interdite à Pékin ou les grottes bouddhiques de Dunhuang et œuvre autant qu’il le peut pour apaiser la situation et limiter les ravages de la Révolution culturelle.
Finalement, incontrôlables et se révélant encombrants par les désastres qu’ils génèrent (bien qu’incités par Mao), les gardes rouges seront finalement dissous et déportés par millions à la campagne entre 1967 et 1969.
Après la mort de Mao en 1976, ses proches soutiens sont écartés du pouvoir et remplacés par des communistes aux idées plus modérées. Le nouveau pouvoir dirigé par l’héritier politique de l’ancien premier ministre Zhou Enlai (décédé huit mois plus tôt) décide de s’ouvrir aux autres pays en développant « l’économie socialiste de marché ». Depuis, l’Etat a multiplié les échanges commerciaux et de capitaux avec tous les pays qui les ont reconnus, développant très fortement son économie mais augmentant également les écarts entre une classe très riche et une vaste classe toujours pauvre : le salaire annuel moyen d’un ouvrier y est de mille trois cents dollars.
La politique de l’enfant unique est mise en place en 1979, après dix ans d’une politique de contrôle des naissances pourtant déjà efficace, la fécondité ayant chuté de 5,75 à 2,75 enfants par femme entre le début et la fin de la décennie. Selon les avis, cette politique serait liée à la crainte d’une surpopulation ou motivée par une volonté d’optimisation économique en allouant les ressources alors très limitées de l’Etat à une population réduite. Nos guides en Chine nous ont présenté cette mesure comme nécessaire à l’époque pour éviter la famine au cours d’une période économiquement difficile. La natalité a encore chuté au cours de cette période, mais de façon comparable aux pays voisins à la même époque alors qu’ils ne pratiquaient pas de politique démographique autoritaire, empêchant de conclure sur l’efficacité de cette mesure. Par ailleurs, la tradition chinoise selon laquelle une fille ne s’occupe plus de ses parents dès qu’elle se marie mais devient au service de ses beaux-parents a causé un avortement sélectif généralisé qui se traduit aujourd’hui par des naissances de garçons en nombre bien supérieur à celui des filles (cent vingt pour cent v.s. cent cinq pour cent naturellement) générant de graves problèmes de société. La règle de l’enfant unique a été assouplie en 2015 pour permettre à tout couple d’avoir deux enfants, mais le mode de vie plus matérialiste et donc plus égoïste de notre époque en a limité l’impact.
La corruption s’est également développée, créant de nombreux scandales sanitaires, écologiques et d’urbanisation même si le gouvernement tente de lutter contre ces dérives depuis plusieurs années, notamment en évinçant les équipes véreuses.
En 2015 la Chine devient la première puissance économique mondiale, démontrant une indéniable réussite de son modèle économique. Le régime reste cependant autoritaire, faisant taire avec violence les dissidences considérées comme subversives et ne parvient pas à contenir les énormes disparités de niveau de vie entre ses citoyens malgré une importante progression générale de leur niveau de vie.
J’espère que nous vivrons bientôt ensemble ce moment si délicat de la cérémonie du thé, dès votre retour ! ml
Je lis cet après-midi dans “Les métamorphose d’un mariage” de Sandor Marai, que la technique ne commence qu’avec les chiffres arabes, et que les chiffres chinois ou gréco -latins ne s’y prêtaient pas. Est ce une des raisons du déclin chinois à partir du 19ème?
Ce que vous nous transmettez de cette culture est passionnant et édifiant.
Il y a de quoi avoir le vertige!
J’attends avec impatience : La Route de la soie ou route du Bouddhisme.
bonne fin de voyage
J’ai toujours autant de plaisir de vous suivre…
Les photos de Fred sont absolument magnifiques – bravo.
Les textes de Laure très intéressants.
Pour avoir eu la chance de visiter ces lieux, j’apprécie chaque détails – Merci à vous deux.
Michèle
Le carnet de voyage me semble de plus en plus abouti, bravo!
Maintenant c’est le grand retour et Lyon, le pays des canuts me paraît être la bonne destination pour terminer cette route de la soie…à la semaine prochaine
Ils portent bien leur surnom les chiards